Jusque-là on a considéré l’Europe comme une grande dame qui a appliqué le Traité de Rome par une justice qui primait sur toutes les juridictions nationales. Cette grande dame donnait ses ordres, établissait les feuilles de route dans leurs grandes lignes.
Aujourd’hui, l’Europe est devenue un serviteur qui peut distribuer des bonbons. On lui reproche d’être un « machin » qui distribue des normes, acceptées comme d’importantes par certains, faibles par d’autres.
Depuis quelques jours, l’Europe est devenue la caution de tous. Pas totalement, car les risques ont été réduits pour certains pays. Mais, dans l’Europe, nombreux sont encore les pays qui n’ont pas pris le train de l’espérance. Ce sont les pays où le coût horaire du travail est quatre fois inférieur aux autres pays européens.
La Hongrie, la Bulgarie, la Tchéquie, la Pologne et quelques autres s’étonnent d’être à la traîne. Elles pourraient produire moins cher que la Chine mais l’Europe ne leur a pas donné les outils pour ce faire. Faudra-t-il créer un Emmaüs pour ces pays en détresse ?
On a un peu l’impression d’une Europe à deux vitesses : les grands pays qui font ou qui appliquent tout au moins la loi de l’Europe et d’autres qui la subissent. Il y a dans l’Europe un manque de responsabilité. On préfère acheter en Chine des produits quelconques que d’acheter dans les pays d’Europe, au même prix, des produits de qualité ; il s’agit là tout de même de 150 millions d’habitants. On dirait les oubliés du TGV de l’Europe.
Ma crainte est que l’argent facile organisé par la banque européenne soit utilisé pour boucher des trous dans les grands pays plutôt que d’aider les petits pays, spécialement de l’Est, qui auraient besoin qu’on les aide pour produire. Va-t-on en arriver à une domination de certains pays en Europe ?
Le droit européen a bien du mal à s’imposer et je me rappelle me trouver, un jour, devant un tribunal à Rouen où le Procureur lança cette accusation « voici des délinquants économiques, certes, qui prétendent utiliser le droit étranger en parlant du Traité de Rome ». On ne pouvait pas lui reprocher de ne pas savoir car le Traité de Rome n’était pas enseigné dans les facultés, et pourtant il est en place et fait force de loi depuis plus de cinquante ans. Ces délinquants, c’était moi, je venais simplement demander justice pour les familles soumises au monopole des pompes funèbres, formellement interdit par le Traité de Rome. Je dois quand-même reconnaître que c’est le Président du Tribunal qui a remis en place le Procureur de la République, ce jour-là.
Certes, j’ai gagné mais il ne faut tout de même pas prendre l’Europe comme une bouée de sauvetage. L’Europe est une force économique et elle ne sera une force que si tous ces enfants ont le même héritage, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Essayer de créer une unité entre des enfants qui ne sont pas considérés de la même manière est bien difficile.
Je pense que Monsieur Macron en a conscience, mais cela ne suffit pas ; il faut raccrocher tous ces wagons au TGV européen. Il est vrai que dans notre pays il y a aussi beaucoup de pauvreté et même beaucoup de différences. C’est ce que l’Abbé Pierre a voulu dire en créant Emmaüs.
Il y en a, dans ce groupe de 27 pays, qui ont plus de chance que d’autres mais l’on devrait aujourd’hui faire la même chose que l’on a faite pour le Portugal et pour l’Espagne à une époque. On ne peut pas demander une même caution à tous les pays quand on ne leur donne pas la même chose.
La grande dame originelle de l’Europe ne doit pas n’être qu’une banque européenne. Elle doit s’occuper de tous ses enfants, faute de quoi il n’aura jamais d’unité.